MARSTRAND - Histoire d'une île - page 129

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Le retour du hareng en 1747 eut donc l’effet d’un coup de tonnerre dans
un ciel clair, qui frappa une population non préparée, nullement en état au début
de faire face à une richesse affluant si soudainement.
Le premier qui découvrit le retour du hareng fut un pêcheur du nom de
Jacob Eriksson de Sotnäs, qui une nuit d’août de cette année-là, comme il était
immobilisé faute de vent à Brunskär (environ un mille au sud-est de Marstrand),
aperçut un grand banc de hareng, que toutefois dans un premier temps il prit
pour des maqueraux. L’homme se mit immédiatement à tirer la senne et apporta
la prise à Marstrand, d’où la nouvelle de cette pêche remarquable se répandit
rapidement.
Le gouvernement, qui vit bien l’importance pour l’économie du pays de
cette industrie si brusquement refleurissante, publia un certain nombre de
décrets ayant pour but d’en faciliter le développement. Ainsi par exemple en
1752 tous ceux qui souhaitaient s’établir sur une terre de la Couronne au
Bohuslän pour pratiquer la pêche au hareng reçurent du terrain gratuit, une
exemption fiscale et du bois gratuit pour la maison et les appontements. Deux
ans plus tard parut un nouveau règlement de pêche et en 1756 Sa Majesté alla
encore plus loin dans sa bienveillance et promulgua une amnistie générale pour
tous les Suédois évadés de prison et vivant à l’étranger qui voudraient revenir
au pays pratiquer la pêche au hareng : ils bénéficieraient des mêmes privilèges
que les honnêtes gens.
En même temps étaient interdits tous les tirs à feu dans l’archipel, qu’ils
vinssent des forts, de navire de ligne ou de tout autre bateau, sous peine d’une
amende de 500 thalers: il s’agissait de ne pas effrayer le hareng. L’interdiction
s’étendait même aux fusils de chasse pendant la période effective de pêche. Des
primes furent instituées pour chaque tonne de hareng salé ainsi que pour
l’utilisation des sennes. Le gouvernement payait 3 thalers royaux par tonne en
prime (après 1758 un thaler seulement), 120 thalers pour les grandes sennes et
70 pour les petites. L’exportation de hareng fumé sur la Méditerranée et les pays
de la mer du Nord était également favorisée ; le hareng bohussien fut expédié
par la suite jusqu’aux Indes et en Amérique, se conservant bien en dépit de la
longue traversée même dans ces régions tropicales.
Les sommes ainsi offertes par l’Etat pour la pêche au hareng n’étaient
rien moins que négligeables: comme le fonds destiné au paiement des primes
était déjà à sec en 1766 du fait du rythme intensif des versements, les
propriétaires de « saleries » commencèrent à recevoir au lieu desdites primes
des parts de la Compagnie suédoise du Groënland, créée en 1774 avec privilège
du roi par Gabriel Frédéric Beijer et Martin Törngren, commerçants à Göteborg,
dont le siège était la maison de quarantaine alors vide à Känsö.
En tout l’Etat investira entre 1752 et 1787 au moins 635.000 riksdalers
pour stimuler la pêche au hareng. Ce fut une somme énorme pour l’époque,
mais d’un autre côté ces fonds étaient particulièrement bien placés, si l’on
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