MARSTRAND - Histoire d'une île - page 132

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innombrables et, comme on ne trouvait plus de débouché à cette surabondance
comme denrée alimentaire, on eut recours à une autre méthode : transformer par
cuisson le hareng en huile.
Cette nouvelle industrie, qui en une dizaine d’années seulement connut
un développement qu’on n’aurait pas imaginé, peut désigner comme son
fondateur le « facteur » Johan Franz Bauer, qui dans les années 1750 produisit
par cuisson la première huile de hareng - bien que principalement pour la
consommation domestique. C’est en revanche le baron Cahmann qui appliqua à
grande échelle les idées de Bauer et qui en 1760 commença la production
d’huile par cuisson de façon industrielle, une activité qui fut si vite adoptée par
les hommes d’affaires en quête de profits, que le nombre de saleries et
d’huileries vingt cinq ans après sur la zone comprise entre Strömstad et
l’archipel de Göteborg s’élevait à quelque cinq cents. La plupart étaient
cependant situées dans les parties les plus méridionales de la province, au sud
d’Orust, entre Marstrand et Älvsborg ainsi que près de la côte intérieure sur les
innombrables îlots. Les capitaux qui furent investis dans les huileries étaient en
grande partie de Göteborg et ce n’étaient pas de petites sommes que recevait
cette industrie, qui était fondée exclusivement sur l’espoir d’un retour régulier
du hareng chaque automne.
A Marstrand et sur les îles voisines il y avait une dizaine d’huileries dont
le souvenir revit encore dans les vieux noms comme « La digue aux grumes »
ou « L’îlot aux peaux de grumes » et beaucoup d’autres. En effet la cuisson
produisait de grandes quantités de déchets de hareng, appelés « grumes », qui
étaient rejetés pour former de grands tas de détritus répartis à proximité des
huileries. Les huileries de Marstrand étaient d’ailleurs peu appréciées des
habitants de la ville à cause de l’odeur qu’elles répandaient. Le commandant
Müller alors en poste à Carlsten adressa même une pétition à Sa Majesté, où il
attirait l’attention sur cette circonstance fâcheuse, signalant combien la puanteur
et les déchets contribuaient à rendre la ville peu agréable à ses habitants - ceci
allant à l’encontre du but recherché en créant les institutions du port franc
récemment mises en place.
Nous nous demandons aujourd’hui avec étonnement à quoi les gens
utilisaient de si grandes quantités de cette matière et pourquoi la demande en
était si forte: l’explication réside d’une part dans le type d’éclairage des anciens
temps, où l’on avait recours à la vieille et primitive lampe à huile, d’autre part
dans le manque d’huile bon marché, qui faisait jouer à l’huile de hareng le
même rôle qu’à l’huile de lin aujourd’hui. En particulier l’huile de hareng était
largement utilisée pour la production de peinture rouge, destinée à l’extérieur
des maisons, cette couleur étant alors habituelle. Au reste l’huile de hareng est
elle-même pure et blanche, mince et légère, elle brûle mieux dans les lampes
que les autres matières de la même catégorie et émet peu de fumée.
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