MARSTRAND - Histoire d'une île - page 80

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La plus grande partie des prisonniers de Carlsten se composait toutefois
de criminels graves, condamnés à la forteresse à vie. A la fin du XVII
ème
siècle
déjà Carlsten accueillait ce genre de bandits, et c’est à eux que revient l’honneur
d’avoir bâti les grosses murailles de pierre grise, qui aujourd’hui forment le
cœur du fort - conformément aux plans géniaux conçus par Erik Dahlberg et
sous le régime sévère du grand maître de la « maison du royaume », autrement
dit la prison, lui-même un roi en réduction. Le nombre des prisonniers aurait été
parfois si grand qu’on aurait craint pour la sécurité du fort en cas d’attaque
ennemie mais au commencement du XIX
ème
siècle ce nombre avait été tout de
même réduit à environ 150-200.
Les prisonniers de cette époque fournissaient donc un travail, ce qui est
assez peu le cas de nos jours, et la construction de Carlsten peut bien s’être
présentée à eux de la même manière que celle des pyramides aux Egyptiens de
l’Antiquité. Si l’on tient compte seulement des innombrables forages qui ont dû
être effectués tout autour du fort, en particulier sous les hautes murailles, on
peut avoir une idée du travail qui a été accompli. Pour faire sauter des morceaux
de rocher ces forages devaient, compte tenu de la faible puissance explosive de
la poudre de l’époque, être réalisés à la distance d’un doigt l’un de l’autre.
Après cela il fallait encore hisser et sceller les pierres dans des murailles hautes
de 5 à 6 étages.
C’est seulement en 1780 que le fort de Marstrand devint une prison au
sens ordinaire - plus le fait que les prisonniers devaient exécuter des travaux
d’intérêt général à Carlsten, pour lesquels ils percevaient un salaire de trois öre
(centimes) par jour, la journée de travail comportant alors 12 heures en été et 5
heures en hiver. Ils étaient gardés pendant ce temps par des soldats et, quand ils
étaient épuisés, étaient envoyés à Nya Älvsborg, qui à l’époque était une sorte
de « maison de retraite » pour les anciens prisonniers de Carlsten.
Les prisonniers étaient cantonnés dans les salles voûtées jouxtant la
Maison du commandant sur la Cour inférieure. Chacune de ces salles contenait
deux logements, qui cependant manquaient d’un éclairage suffisant, étaient
malsains et humides ainsi que sans aération. On s’efforçait de classer les
prisonniers de sorte que les meilleurs ou les plus sûrs fussent rassemblés dans
l’une des cours de prison, mais ce classement devait être assez illusoire, tant ces
bandits étaient proches les uns des autres pour la nature de leurs crimes.
La garde des prisonniers elle-même était d’une sévérité militaire avec ce
qui s’ensuit de rude discipline et de punitions. Les condamnés savaient
spontanément respecter les ordres pendant le travail, mais ce régime stimulait
leur activité sous toutes les formes qui ressortent des nombreux documents sur
le sujet qu’on peut encore trouver. Ainsi par exemple les évasions étaient-elles
affaire courante, en dépit de la surveillance sévère et des hautes murailles - pour
ne rien dire de la situation isolée de Carlsten sur une île, où tous les bateaux à
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