MARSTRAND - Histoire d'une île - page 82

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la tête en bas au-dessus des latrines du fort et restait là une nuit entière; le matin
suivant il était fouetté par ses camarades, mais la victime était souvent morte
pendant la nuit : en ce cas les prisonniers suspendaient le cadavre à un nœud
coulant dans une autre partie de la cellule, donnant ainsi à croire que le tout
était un suicide. La punition de cellule était si redoutée des prisonniers que ceux
d’entre eux qui se trouvaient y être condamnés préféraient commettre des
infractions aux ordres afin d’être punis par le Tribunal Royal, ce qui entraînait
le transfert sur une autre cellule - mais aussi, dans le pire des cas, pendaison.
Les aveux des prisonniers
En consultant une collection privée de documents concernant la vie des
prisonniers à Carlsten nous avons été amenés à faire un certain nombre de
constatations. La collection contient d’une part des lettres échangées entre un
certain nombre de prisonniers et leurs familles, d’autre part des témoignages de
prisonniers à vie composés de leur propre main, où ils décrivent avec précision
les crimes qu’ils ont commis - habituellement des meurtres avec préméditation à
intention crapuleuse.
Ces documents ont appartenu en son temps au pasteur de l’église de
Marstrand, Peter Abraham Glasell, qui occupa ses fonctions dans les années
1821-1833 et qui en outre était pasteur du château de Carlsten - une charge qui
lui donna à profusion l’occasion d’entrer en contact avec les prisonniers. Les
prisonniers à vie étaient en effet placés en forteresse « pour aveux » - c’est-à-
dire qu’on cherchait pendant leur séjour là-bas accompagné de travaux forcés à
les pousser à faire connaître leurs secrets criminels. Ce travail de presser les
gens à avouer incombait au pasteur de l’église et du château, qui pour cela
devait utiliser son autorité de prêtre - en employant la sévérité ou la douceur
selon les différentes natures des criminels.
Que cette mission n’était pas particulièrement réjouissante va de soi et le
pasteur du château a pu en faire abondamment l’expérience pendant l’accom-
plissement de son service, à en juger par le contenu des vieux papiers. Ainsi le
pasteur Glasell se plaint-il en 1828 dans une lettre au commandant que le
prisonnier à vie Börje Larsson pendant un office divin dans l’église du fort
(aujourd’hui salle de travaux manuels de l’Ecole des Mousses) a fait du tapage
et apostrophé ainsi le pasteur : « Tu as assez prêché tes cochonneries, tout ce
que tu dis c’est des mensonges, une grand-mère d’Hisingen pourrait en dire
autant! ». Le pasteur demande en conséquence qu’un officier soit présent parmi
les fidèles. Ce même Larsson semble au reste avoir été un des moutons noirs du
fort et l’objet d’un intérêt particulier de l’autorité du fait de ses nombreux
crimes, qu’il finit par avouer. Ceux-ci comprenaient un meurtre dans la région
de Göteborg avec incendie criminel etc.
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