MARSTRAND - Histoire d'une île - page 170

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construit sur l’ancien domaine de la famille Mors. Plusieurs domestiques y
officient. La famille connaît une vie mondaine intense. Les réceptions se
multiplient, à Paris comme à Villers. Les visites de parents suédois sont
nombreuses. Axel Egnell maintient chez lui les traditions suédoises, les Skål !
(Santé !) adressés aux convives de la table familiale, et en particulier le Noël
suédois, où l’assistance réunie autour du « smörgåsbord »
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entonne la fameuse
chanson à boire
Helan gå
.
Axel est un protestant luthérien peu intéressé par l’observance de la
religion et Marie-Thérèse une catholique pratiquante. Leurs enfants, à qui le
choix a été laissé, aux garçons du moins, opteront tous pour le catholicisme,
religion de leur mère et du pays où ils sont nés et grandissent. Les trois garçons
font de brillantes études et s’engagent avec une bonne situation dans la vie
professionnelle : seul le plus jeune, Hjalmar, entrera dans la société Mors, dont
il sera plus tard directeur général. Daggy rencontre un jeune clerc de notaire,
Louis Masure, qu’elle épouse et suit à Sens, où il a fait l’acquisition d’une
étude. Ses trois frères se sont également mariés, épousant des demoiselles de la
société parisienne (Hjalmar se singularisera en prenant pour femme une
Bordelaise), et la nouvelle génération commence à arriver. Les prénoms suédois
(Axel étant réservé aux aînés de la branche aînée) ne sont pas oubliés : Bertil
chez Daggy, Erik chez Hjalmar et, plus tard, Karin chez Jacques.
De l’aquavit au cognac
En 1939, à la déclaration de guerre, les hommes de la famille sont
mobilisés. Axel et Marie-Thérèse accueillent à Villers épouses et enfants. La
guerre va les rapprocher, alors que leurs relations étaient devenues difficiles,
donnant à la vie familiale un caractère parfois tendu. Durant toute la guerre,
Marie-Thérèse sera d’un dévouement total à sa famille, dont elle veillera à
l’entretien matériel aux dépens de sa propre santé. Durant l’occupation, Axel
fera envoyer régulièrement de Suède à sa famille des colis de nourriture qui
seront les bienvenus. Villers, en plein « mur de l’Atlantique », étant devenu
inaccessible, il avait acheté une propriété près de Sens, « Les Puits », où toute la
famille passera le tumultueux été 1944, marqué par les bombardements
américains puis l’arrivée de l’armée Patton. Epuisée par les courses chez les
agriculteurs pour l’alimentation de sa famille, Marie-Thérèse, rentrée à Paris,
décédera d’une crise cardiaque le 11 novembre 1944. Elle sera enterrée à
Auberville, sur les hauts de Villers, où son mari la rejoindra treize ans plus tard.
La libération de Paris aurait été l’occasion pour Axel Egnell d’une
intervention restée dans la légende familiale. Appréciant les bons vins et les
alcools fins, dont il faisait une consommation généreuse, absorbée sans
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« smör » est le beurre ; « gås » est l’oie ; « smörgås », littéralement « oie beurrée », est la
tartine ; « smörgåsbord » est la table aux tartines, autrement dit le buffet
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