Descendre la Volga - page 92

SAMARA
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de l’inauguration en 1970, nous y avions été amenés directement de l’aéroport, avions vu des
chaînes de montage mais de pays très peu !). Cette fois peut-être l’écluse du barrage de
Kouïbychev nous l’a-t-elle masquée. C’est sur ce barrage que passent la route et le chemin de
fer reliant Togliatti à la rive droite de la Volga et à Moscou. Passé le barrage, la Volga se
resserre alors que nous abordons la boucle du fleuve au fond de laquelle est Samara. Bientôt
des constructions succèdent à la forêt : un clocher à bulbe jouxte une batterie de cheminées
d’usine, puis c’est un quartier résidentiel avec de grands immeubles. Un peu plus loin, une
plage avec bancs et parasols : des promeneurs mais pas de baigneurs (la température de l’eau
de la Volga l’été, ai-je lu quelque part, est de 20 à 25°). Encore des immeubles à perte de vue.
Nous croisons un bateau de service portuaire aux impressionnantes superstructures. Un ballet
de bateaux pneumatiques motorisés marque l’arrivée du « Russ », qui a été précédé par un
autre navire de Vodokhod déjà à quai (cette fois je n’ai pas pu lire son nom), contre lequel
nous nous rangerons sagement avant de le traverser pour débarquer. Il est 10 heures, le
thermomètre avoisine les 20° et le temps est très beau comme il sera jusqu’au bout.
Nous sommes accueillis par Tatiana, qui nous présente sa ville avec enthousiasme, de
la visite de saint Alexis guérissant la femme du chef tatar jusqu’aux débuts de l’industrie
spatiale, nous parlant du « cœur » que dessine la Volga autour de Samara (mais dans quel sens
faut-il regarder la carte pour voir le cœur en question ?). Nous quittons le quai-promenade « le
plus beau du monde » (la ville s’étend au long de la Volga, avons-nous déjà dit, sur 50 km),
contournons la brasserie Vacano, dont les bâtiments s’étalent juste au bord du fleuve (nous les
reverrons de partout sur fond de Volga et de monts Jigouli), jetons un coup d’œil à la toute
neuve cathédrale Saint. Georges (Pobiédonotsev = Vainqueur du Dragon), reconstruite de
1999 à 2002 à l’initiative du maire Georges Limanski, qui devait bien cela à son saint patron,
et sommes déposés au pied de la fusée Soyouz construite par l’ingénieur Sergueï Korolev,
père de l’industrie spatiale soviétique. L’engin pointé sur le ciel est flanqué d’un musée du
Cosmos et à peu de distance se dresse un immeuble en construction qui a reçu le nom de
« Spoutnik ». Non loin un pilote sur sa colonne élève à bout de bras vers le ciel les ailes de la
victoire.
Mais revenons sur terre, où la vue est moins glorieuse. Samara n’est pas si propre ni si
nette que les villes visitées jusqu’à maintenant. Débris et matériaux y trainent un peu partout,
donnant une impression d’inachevé, mais aussi de laisser-aller bien humain, ce qui d’une
certaine façon la rend plus proche de la vieille Europe. Il nous est dit que beaucoup
d’entreprises ayant gagné des contrats grâce aux pots-de-vin ont fait faillite et laissé les
chantiers en plan. Heureusement le nouveau maire lutte activement contre ces pratiques
fâcheuses. Quoi qu’il en soit, la reconstruction n’est manifestement pas achevée à Samara,
une ville terriblement abîmée par la guerre, car cible évidente de l’aviation allemande, mais
pas assez pour bénéficier comme Stalingrad de l’attention pleine et entière de l’Etat
soviétique, ayant souffert peut-être d’avoir son nom associé au moment le plus sombre de
l’histoire du conflit.
Justement, contournant un petit immeuble bordant la place Kouïbychev, nous voilà
devant le bunker de Staline. Certains membres de notre groupe, alors qu’un autre groupe y
pénètre sous nos yeux, se plaignent que la visite n’en ait pas été prévue, sauf pour un couple
qui a subordonné sa participation au voyage à cette visite et nous dira plus tard que l’intérieur
du dit bunker, vide de tout souvenir authentique, était sans intérêt (mais l’intérêt, bien sûr,
c’est d’y avoir été). On dit que c’est le plus grand bunker du monde mais bien entendu seule
une petite partie a été aménagée pour les visiteurs d’aujourd’hui. Staline lui-même mettait
son point d’honneur à être resté à Moscou au plus dur des combats autour de la ville.et le
faisait savoir par sa propagande.
A défaut de bunker on a prévu pour nous la visite du musée des Beaux-Arts (il n’y
avait pas de temps pour les deux), installé dans un vaste bâtiment à façade de temple antique –
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