Descendre la Volga - page 99

SARATOV
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Lucie nous emmène d’abord présenter nos respects à Iouri Gagarine qui s’est gagné
l’affection des Saratoviens en atterrissant tout près sur l’autre bord du fleuve ; il devait se
poser à Baïkonour, d’où il était parti, situé près d’un millier de kilomètres à l’est-sud-est au
Kazakhstan voisin, sur le Syr-Daria, au-delà d’une mer d’Aral en voie d’assèchement, mais
les vents l’ont déporté jusqu’à la Volga ; encore heureux qu’il ne soit pas tombé dans le
fleuve. De sa statue en costume civil dominant le quai des cosmonautes, il semble tendre son
regard vers le lieu de sa chute, à 16 km au sud de la ville d'Engels, sur la rive gauche de la
Volga.
Escaladant la pente car Saratov a ses collines comme Rome, nous atteignons la grand
place. Chemin faisant Lucie nous vante les graines de tournesol et les pastèques, spécialités
locales. Nous longeons un beau parc et ses beaux arbres, qui sont des tilleuls (lipki) ; ils furent
plantés, apprenons-nous, par les prisonniers de la Grande Armée amenés ici en 1812 ; ils
étaient au nombre de de 1.080 (les arbres, pas les prisonniers) ; la plupart firent mouvement
sur la France (les prisonniers, pas les arbres) quand la paix fut conclue, mais certains
restèrent, notamment un certain Jean-Baptiste Nicolas Savin, du grade de lieutenant lors de sa
capture, qui, s’étant établi comme professeur de français pour les enfants de la noblesse, ayant
épousé une Russe, habitant à la russe une petite maison avec jardin, serait mort en 1894, à
cent vingt six ans, dernier officier survivant des guerres de l’Empire, ayant gardé jusqu’au
bout sur son bureau une statuette en bronze représentant Napoléon. Il avait reçu en 1887, pour
sa cent-dixième année, un cadeau d’un millier de roubles de l’empereur Alexandre III, qui
trois ans après négociera une alliance avec la France.
Nous débarquons bientôt sur la grand place, dont le parc des Tilleuls borde un côté.
Nous y découvrons, occupant le côté d’en face, une autre gloire de Saratov, le Conservatoire
d'État L.V. Sobinov. Nous saluons Nikolaï Tchernychevski (1828-1889), natif de Saratov,
écrivain révolutionnaire, auteur de « Que faire ? », un ouvrage qui sera interdit et lui vaudra
des ennuis avec les autorités. A l’extrémité sud de la place se dresse, toute neuve, une réplique
de la cathédrale Saint-Basile de Moscou, avec ses bulbes à bandes torsadées, chacun d’une
couleur différente. Le sanctuaire a un beau nom : « Outoli nachi petchali » (en français :
Calme nos soucis). Occupant l’angle entre Saint-Basile et le parc des Tilleuls, une série de
panneaux en bas-relief. Voici d’abord les grands hommes de la ville, parmi lesquels nous ne
reconnaissons que Gagarine, encore lui, grâce à son casque de cosmonaute. Voici le panneau
consacré au quadricentenaire de Saratov sous l’écusson aux trois esturgeons convergeant vers
le centre. Dans un coin, discrets mais non moins présents, le marteau et la faucille rappellent
tout ce que la ville doit au régime soviétique.
L’écusson aux trois esturgeons
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