Descendre la Volga - page 108

VOLGOGRAD
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L’après-midi temps libre. Quel dommage que ce n’ait pas été le cas à toutes les escales
mais voir la Volga de jour est appréciable également. Nous montons cette fois le majestueux
escalier, plus spectaculaire que celui d’Odessa, mais il n’y a pas de cuirassé Potemkine sur la
Volga. Nous voici sur l’allée des Héros, toute droite entre deux rangées de beaux peupliers,
décorée de massifs de fleurs bien tenus, où se dessinent tout du long de rouges guirlandes.
Nous retrouvons l’obélisque, sans sa garde cette fois, c’était seulement pour la matinée. Nous
partons à la découverte des rues avoisinantes, formant un quadrillage presque régulier,
allongeant leurs façades bourgeoises, avec quelques boutiques en rez-de-chaussée. Il y a peu
de monde dans les rues. Tiens, pas une église en vue ! Il fait un bon soleil qui commence à
décliner. De retour sur la grand place un petit panneau sur une porte vitrée nous attire :
KHIGHI
(
LIVRES)
. Nous entrons et c’est effectivement une librairie, une grande librairie même, non
autrement signalée. Y trouvera-t-on une carte de la Volga avec les villes et les pays traversés ?
Justement un présentoir sur pivot est réservé à cette catégorie de produits. J’y scrute les titres :
Riga, Moldavie, Sibérie, mais de Volga point. J’avise une assistante et l’interroge. Elle a un
sourire navré : la dernière livraison remonte à trois semaines et tout ce qui concernait la
région a été vite écoulé. Que je revienne la semaine prochaine ! Je fais finalement
l’acquisition d’une collection de médailles commémorant les chefs militaires de la Grande
Guerre Patriotique, pas celle de la bataille de Stalingrad, mais la nôtre, si j’ose dire, celle de
1812, médailles frappées à l’occasion du bicentenaire de la dite guerre il y a trois ans. En
sortant, Abeille a une envie de glace, mais où sont les kiosques d’antan offrant la délicieuse
« morojénoié » artisanale, signe des temps, on ne trouve plus que des produits industriels de
marque occidentale. Le jour baisse, il est temps de revenir. Quand nous arrivons en haut du
grand escalier, ayant dépassé la fontaine aux Trois Citoyennes, nous constatons que le quai
sous nos yeux, vide ce matin et encore tout à l’heure, est occupé maintenant par une fête
populaire ayant mobilisé beaucoup de spectateurs, certains se pressant aux barrières de métal
entourant le terrain de jeu improvisé, d’autres restés debout sur les marches de l’escalier
(voilà pourquoi les rues du centre étaient vides, me dis-je). Nous sommes vendredi et le
weekend approche. Rangées contre les barrières, des voitures aux formes étranges, aux
couleurs vives et variées attendent d’entrer en scène : est-ce un concours de beauté, un rallye,
un gymkhana ? nous ne le saurons pas, car déjà, contournant l’espace réservé à la
manifestation, il est l’heure, nous atteignons le bateau. Un dernier salut crépusculaire aux
immeubles-voiles et déjà s’éloigne dans les lumières du soir la ville-martyre ressuscitée.
Mais nous n’en avons pas fini avec la bataille, car le soir à bord nous est projeté le
film franco-québecois de Jean-Jacques Annaud
Stalingrad ou L’ennemi aux portes
, titre
officiel, consacré à un épisode spectaculaire de la dite bataille, « la guerre des snipers »,
l'affrontement entre deux
chacun représentant son camp, chacun à l’image de
son pays, tous deux célébrés par l
de leurs médias respectifs.
chasseur de loups en Sibérie depuis son enfance, est un tireur d'élite.
Au
où les recrues fraîchement arrivées au front traversent la Volga pour
se faire faucher par les mitrailleuses allemandes ou, pour ceux qui reculent, par leurs propres
camarades tirant sur eux pour les empêcher de fuir, Zaïtsev se lie d’amitié avec Danilov, un
officier politique de l'armée rouge, adjoint de Nikita Khrouchtchev, le commissaire politique
(joué par un acteur lui ressemblant étonnamment), auquel il démontre ses capacités de tireur
en abattant à distance des officiers allemands avec des tirs de fusils rapides et précis. Danilov
comprend tout l’intérêt d’un tel talent et propose au commandement de faire de Vassili un
héros, une icône pour redonner espoir à la troupe et au pays tout entier, en donnant une large
publicité à ses exploits. En riposte, l'état-major allemand dépêche son meilleur tireur d'élite, le
major König, un vieil aristocrate prussien, chasseur lui aussi, tiré de sa retraite. Au cœur de la
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