Descendre la Volga - page 110

VOLGOGRAD
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consommée avec modération, les conversations vont bon train, l’interphone nous appelle au
dîner.
C’est ce soir-là qu’à la boutique du bord nous faisons l’acquisition d’une - petite –
boîte laquée de type Palekh représentant un groupe d’églises à bulbe au bord d’un fleuve, qui
viendra grossir notre – modeste – collection que j’ai commencée à Moscou il y a quarante-
cinq ans. Puis-je payer par carte ? Konetchno ! (Bien sûr !). La vendeuse à l’épais chignon
blond artistement travaillé toujours impeccable s’empare du petit rectangle de plastique que
je lui tends et l’introduis dans l’appareil tenu solidement en main, qu’elle me présente. Je
compose mon code et nous attendons. Nous attendons. Momen’t ! Poussant la porte vitrée,
l’opératrice sort sur le pont tribord. Nous la suivons. La nuit tiède et noire nous enveloppe, à
peine troublée par les timides lampes du bord. Un fanal vert passe devant nous, aucune
lumière ne signale la rive. La dame se penche contre le bastingage, agite à bout de bras
l’engin récalcitrant. Je m’inquiète : et si l’instrument de crédit favori de l’homme de l’âge
électronique qu’il me faut bien être, allait s’engloutir dans les eaux de la Volga. J’en serai
quitte pour la peur, le petit carton aux codes en relief est bien arrimé. Mais le problème du
paiement de la boîte palekh n’est pas résolu. Malgré les grands gestes de la boutiquière,
conjurant les ondes bancaires d’accourir, sur la Volga qui n’est plus rouge, pas un rouage de
la machine ne bouge. Le grand fleuve est-il resté à l’écart de la mondialisation ? La dame
renonce à ses gesticulations, nous fait signe de rentrer, me rend le sésame des temps
modernes, et ne dit qu’un seul mot : Astrakhan ! Là-bas, de nouveau, nous serons connectés
au monde.
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