Descendre la Volga - page 114

DE VOLOGOGRAD A ASTRAKHAN
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Une gare fluviale sur la Volga
En milieu d’après-midi, une autre gare fluviale, plus grande, à étage, ornée d’un
fronton, se présente rive droite et le Russ, après l’avoir dépassée, se met à virer pour la
rejoindre. A l’issue d’une courte manœuvre nous voilà amarrés au « Debarkader 121 ». Quel
est l’objet de cette escale insolite ? Y a-t-il des colis à décharger ou à charger ? Va-et-vient
sur la passerelle, peut-être quelqu’un a–t-il débarqué ou embarqué. J’apprendrai un peu plus
tard que c’est le pianiste du bord qui s’est trouvé mal et qu’il a fallu déposer à terre. Est-ce
une victime de l’Octobre Rouge ? Marie-Claude, autre praticienne du « roïal » va-t-elle être
atteinte aussi ? Heureusement il n’en sera rien. Sur la plage des barques, certaines équipées
d’un moteur hors-bord, une vache esseulée ; en arrière, à la lisière de la forêt, plusieurs
maisons de bois et tôle. On repart déjà, un nouveau demi-cercle nous remettant au fil de la
Volga. D’autres distractions sont proposées : jeux « Quizz », danses russes, fabrication de
poupées russes. Nous nous installons sur le pont, Abeille lit le
Voyage en Russie
d’Alexandre
Dumas, qu’il fit avec quasiment les mêmes étapes que nous, et moi
Michel Strogoff
, qui
m’entraîne loin de la Volga, au-delà de l’Oural et jusqu’au lac Baïkal. Le soir tombant nous
fait rentrer dans notre cabine bien éclairée : c’est un de ses mérites non négligeables. Mais
bientôt on nous appelle au dîner du commandant, pour lequel les dames ont fait toilette et qui
sera suivi d’un concert des talents des passagers, où Marie-Claude nous lira en russe un
patriotique et charmant petit poème d’Essénine, Sergueï Essénine (1895-1925), né à Riazan,
mari d’Isadora Duncan, qu’il accompagna en Amérique, rentré sans elle à Moscou, où il mit
fin à ses jours tragiquement, à trente ans, laissant un court poème écrit avec son sang : « Do
svidanié, droug moï, do svidanié.. – Au revoir, mon ami, au revoir… » ; celui que nous
propose Marie-Claude est plus gai ; en voici la version française due à la lectrice elle-même :
O toi, Russie, ma terre natale,
Chaumières, enchasublées d’icônes ...
On ne voit ni fin ni limites.
L’œil n’a que du bleu à sucer.
Comme un pèlerin qui prend la route,
Je regarde tes champs.
Et derrière les palissades basses,
En bruissant les peupliers languissent.
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