Descendre la Volga - page 42

KOSTROMA
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porte construite pour la venue de Catherine II. Les femmes se couvrent la tête et les hanches
pour pénétrer dans la cathédrale de la Trinité : la jupe est exigée, on distribue à l’entrée des
toiles pouvant en faire usage, Abeille, arrivée quand le stock est épuisé, n’a d’autre ressource
que d’enrouler sa veste imperméable autour de sa taille. Les marches du parvis aboutissent à
un long vestibule intérieur, où une « dijournaïa » (surveillante de service, du français « de
jour ») très soviétique inspecte la tenue des personnes de son sexe ; Abeille parvient à éviter
son regard méfiant. Par une ouverture centrale on accède à l’église proprement dite et c’est
l’éblouissement : se dresse devant nous un iconostase exceptionnel à croisillon sculpté doré
encadrant richement les 80 icônes : prophètes, patriarches, personnages du Nouveau
Testament, pères de l’Eglise. L’office du samedi soir est en cours et l’officiant psalmodie les
« Gospodi, pomilouye ! (Seigneur, prends pitié !) » dans les balancements d’encens. Les
dorures de la chasuble rivalisent avec celles de l’iconostase. C’est interminable comme
toujours dans la liturgie orthodoxe. Enfin le prêtre et ses assistants sortent, et nous aussi à leur
suite.
Dehors, un coup d’œil à la maison du jeune Michel Romanov. Astolphe avait eu plus
de chance que nous, ou peut-être simplement plus de temps : on lui avait fait voir les
appartements d’Alexis (c’est Michel, il se trompe de prénom, Alexis sera son fils, il n’est pas
encore né) Romanov et de sa mère. La visite ne sera pas concluante : « Ce couvent ressemble
à tous les autres : un jeune moine, qui n’était pas à jeun et qui de très loin sentait le vin assez
fort, m’a montré la maison en détail ; j’aime mieux les vieux moines à barbe blanche et les
popes à têtes chauves que les jeunes solitaires bien nourris. »
Le marché au lin de Kostroma
Nous ressortons du monastère en direction du marché au lin tout proche. C’est le
moment des emplettes. Je négocie une belle chemise droite me tombant aux genoux, Abeille
une demi-douzaine de torchons. L’arrêt suivant est à la grand place bordée d’arcades. Après
un tour rapide dans le bazar qui jouxte la place, nous allons saluer Ivan Soussanine, haut juché
sur sa colonne, qui en garde l’entrée de cette place, bâton à la main : c’est lui qui envoya les
Polonais se noyer en leur fournissant de fausses indications, et c’est ainsi, nous apprend Lina
avec un sourire, qu’il est devenu le symbole des mauvais guides. Superbe départ au
crépuscule avec derniers rayons du couchant sur la Volga.
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