Descendre la Volga - page 49

NIJNI NOVGOROD
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pour la foi. Mais ce n’est pas tout. Vendons nos maisons, mettons en gage nos femmes et nos
enfants pour payer des soldats, et délivrons le pays.’ Ainsi parlait Minime, et comme il parlait,
il agissait. Il donna tout ce qu’il possédait pour soudoyer des gens de guerre, ne demandant
rien pour lui-même. Le peuple, enthousiasmé par ses paroles et son exemple, le prit pour
chef… Minime n’avait ni les talents ni l’expérience d’un général, mais il avait un sens droit,
un tact sûr, un désintéressement presque unique à cette époque. Se réservant pour lui-même le
soin d’organiser les forces nationales, de maintenir l’ordre et l’union parmi les confédérés de
toutes les provinces, il fit choix pour conduire l’armée d’un homme aussi honnête, aussi
patriote que lui-même. Tandis que le jugement et la fermeté de Minime présidaient aux
conseils, l’épée du prince Démétrius Pojarski chassait les Polonais de ville en ville. Après une
campagne marquée par une suite de triomphes, Minime, loin de vouloir conserver le pouvoir
qu’il avait fait aimer et respecter, déclara qu’il fallait un tsar au pays, et conseilla de prendre
celui que Dieu donnerait et que proclamerait la terre russe
. Le 3 mars 1613, Michel
Romanov fut élu dans Moscou affranchie du joug polonais. »
Un dernier épisode sanglant entachera toutefois cette belle page d’histoire, comme
nous verrons à Astrakhan.
Mérimée ne croit pas à l’authenticité du premier Démétrius.
« A mon sentiment, tout se réunit pour faire croire que Démétrius était d’une basse
extraction, car on ne pourrait expliquer autrement l’obscurité si complète qui couvre les
premières années de sa vie. J’admets volontiers avec Platon [Platon I
er
Levchine, métropolite
de Moscou de 1775 à 1811 (1737-1812)] qu’il n’était pas russe, car son esprit si libre de
préjugés, son amour des nouveautés, son ardeur à changer les coutumes nationales, seraient
un phénomène trop extraordinaire, à cette époque surtout, dans un Moscovite de la classe
inférieure d’où sans doute il sortait. Il me semble plus probable qu’il était originaire d’une
province soumise à la Russie, où les langues russe et polonaise étaient parlées à la fois. Telle
était alors l’Ukraine. Parmi les Cosaques, presque indépendants à cette époque, mais témoins
obligés et toujours acteurs dans les querelles entre la Russie et la Pologne, il avait pu
apprendre et le métier de soldat, et l’art plus difficile de mener les hommes. »
Mais revenons à Nijni Novgorod.
Au XVII
ème
siècle, Nijni Novgorod devient un centre commercial prospère dans lequel
s'installe Grigori Stroganov, le plus riche des marchands russes de l’époque, qui finance les
initiatives de Pierre le Grand. Un style architectural et pictural (icône) spécifique, connu sous
l'appellation de style Stroganov, se développe à la fin du
e
et au début du XVIII
e
siècle.
La foire de Saint-Macaire, le 25 juillet du
(6 août du nôtre), qui se
déroulait dans les semaines qui suivaient chaque année au monastère de Saint-Macaire à
Makariev, jusqu'à son incendie en
est déplacée, dès l'année après cet incendie, dans le
village de Grivka, sur la berge de
à l'opposé de Nijni. Elle prend alors le nom de foire de
Nijni Novgorod et devient donc
nijégorodienne
. Grâce à sa foire, qui atteint bientôt une
renommée mondiale, la ville ainsi que les villages avoisinants connaissent un développement
économique rapide. Au XIX
e
siècle, on disait : Saint-Pétersbourg est la tête de la Russie,
Moscou son cœur et Nijni Novgorod son porte-monnaie.
Nous devons à Alexandre Dumas cette information relative à Makariev, l’ancien site
de la foire : « C’est à Makariev que furent internés les Français enlevés de Moscou par
Rostopchine à l’approche de Napoléon : un ex-régisseur du Théâtre-Français, à Moscou, M.
Armand Domergue, a publié à Paris, en 1835, une curieuse relation de ce voyage et des
mauvais traitements qu’eurent à souffrir, au milieu des populations fanatisées, nos
malheureux compatriotes. »
En 1839 un autre voyageur français, celui que nous avons déjà retrouvé à Iaroslavl, est
enthousiasmé par Nijni Novgorod : Astolphe de Custine. Voici ce qu’il écrit d’elle le 22 août
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