Descendre la Volga - page 45

NIJNI NOVGOROD
« Nijni-Novgorod exerçait depuis longtemps cette inéluctable influence sur nous.
Aucune mélodie ne résonnait plus délicieusement à notre ouïe que ce nom vague et lointain ;
nous le répétions comme une litanie sans en avoir même la conscience ; nous le regardions sur
les cartes avec un sentiment de plaisir inexplicable ; sa configuration nous plaisait comme une
arabesque d’un dessin curieux. Le rapprochement de l’
i
et du
j
, l’allitération produite par l’
i
final, les trois points qui piquent le mot comme ces notes sur lesquelles il faut appuyer, nous
charmaient d’une façon puérile et cabalistique. Le
v
et le
g
du second mot possédaient aussi
leur attraction, mais l’
od
avait quelque chose d’impérieux, de décisif et de concluant, à quoi il
nous était impossible de rien objecter. »
Rarement peinture, musique et linguistique furent-elles si rarement et si richement
liées que dans cette évocation par Théophile Gautier du nom de la plus grande ville de la
Volga, appelée familièrement Nijni, dont la
population
s'élevait à 1.263.873 habitants en
ce qui en fait la cinquième ville de Russie, précédée seulement par les deux capitales et les
deux grandes villes sibériennes, Novossibirsk et Ekaterinbourg.
Or, le pouvoir soviétique étant insensible aux qualités graphiques et mélodiques qui
enchantèrent le voyageur français, la ville porta le nom de Gorki de
à
d'après
l'écrivain
qui y naquit en 1868, à l’état-civil Alexei Maksimovitch Pechkov,
dont le pseudonyme bien trouvé signifie en russe « l’amer ». L’auteur des
Bas-Fonds
(Na
dnié), père du réalisme socialiste en littérature, qui au début des années 1930 se soignait en
Italie, fut convaincu par Staline en 1932 de rentrer au pays ; la récompense fut de donner son
nom à sa ville natale. Il mourut à Moscou en 1936. Il était devenu critique du régime et sa fin
rapide, attribuée à une pneumonie, parut suspecte à certains. Il eut droit en tout cas à des
funérailles grandioses sur la Place Rouge. La gloire de l’enfant du pays n’a pas paru une
raison suffisante aux habitants de sa ville natale pour garder son nom. Cependant Gorki est
encore l’appellation en usage pour Nijni Novgorod dans les gares russes.
Littéralement,
Nijni
signifie « bas » et
Novgorod
, la « nouvelle ville », mais
historiquement, l'ensemble des deux mots pourrait être traduit comme « la nouvelle ville sur
les terres de la basse
», puisqu'à l'époque de sa fondation c'était la dernière ville russe
aux abords du fleuve. L’adjectif était de toute façon nécessaire pour distinguer la Novgorod
de la Volga de celle, beaucoup plus ancienne, de la rivière Volkhov et du lac Ilmen, Novgorod
la Grande (Velikiy Novgorod), qui fut la capitale du Varègue Rurik (le Guillaume le
Conquérant de la Russie).
La ville se trouve au confluent de la
et de
à 330 km au nord-ouest de
et 405 km à l'est de
1
.
1...,35,36,37,38,39,40,41,42,43,44 46,47,48,49,50,51,52,53,54,55,...152
Powered by FlippingBook