NIJNI NOVGOROD
45
anciennes et plus importantes forteresses préservées en Russie. Le kremlin de Nijni Novgorod
résistera aux sièges tatars de 1508 et 1531.
De son côté l’Oka, long de 500 km, commençant à couler vers le nord, puis tournant
ses eaux vers l’est, puis, quand il ou elle reçoit la Moskova, vers le sud-est, et enfin mettant le
cap au nord-est pour rejoindre la Volga, traversant au passage Orel (prononcer : Ariol),
Kalouga (la ville vers laquelle en 1812 se dirigeait Napoléon quand il quitta Moscou mais
qu’il ne put atteindre arrêté en route par Koutouzov) et Riazan (vers laquelle le même
Koutouzov, ayant abandonné Moscou, battait en retraite, avant de changer de direction et
d’aller se poster sur la route de Kalouga), a servi de barrière naturelle au temps où les Tatars
de Crimée, après que leurs cousins eurent été chassés du grand fleuve, menaçaient Moscou ;
c’est là, en 1598, que Boris Godounov, fraîchement élu tsar, conduisit son armée, établissant
son camp à Serpoukhov ; le khan, impressionné par ce déploiement de forces, envoya au lieu
de troupes des ambassadeurs pour conclure une paix perpétuelle avec le nouveau souverain de
toutes les Russies.
En
c'est Kouzma Minime, un marchand boucher de Nijni Novgorod, à la tête de
la milice nationale, qui chasse les troupes polonaises de Moscou mettant fin à la période des
troubles et permettant à la dynastie des Romanov de s'installer sur le trône de Russie. Nous
avons vu à Ouglitch la destinée tragique du faux/vrai Dimitri, hantise de Boris Godounov, tsar
éphémère, précipité dans l’abîme par le sinistre Chouïski. Dimitri a emporté dans la tombe
son mystère. Depuis qu’il a quitté ce monde…mais, cette fois encore, l’a-t-il vraiment quitté ?
Que d’événements et si douloureux pour la Russie entre l’exposition sur la Place Rouge d’un
cadavre méconnaissable et le sursaut patriotique du boucher Minime ? Qui va nous les
raconter ? Eh bien, le plus improbable des narrateurs, un auteur français du XIX
ème
siècle, qui,
à la différence d’Astolphe, d’Alexandre et de Théophile, n’est jamais allé en Russie, mais
s’est pris d’intérêt pour ces moments sombres de l’histoire russe lorsque la France à son tour
connaissait un « temps des troubles », en 1849, terminant son travail en 1852, quand sur les
bords de Seine aussi démarrait une nouveau régime faisant retrouver au pays, provisoirement
au moins, la stabilité : l’inspecteur des Monuments historiques Prosper Mérimée, mis en éveil
par le
Boris Godounov
de Pouchkine, ayant consciencieusement étudié les sources disponibles
avec l’aide d’amis russes et russophones, Mérimée, à qui le sujet avait d’abord donné l’idée
d’un roman à la manière de son
Charles IX
mais qui finalement a décidé « d’écrire l’histoire
comme elle a dû se passer ». Voici ce qu’il nous apprend.
Après la mort du tsar Dimitri, la nomination d’un nouveau tsar en la personne de
Vassili Chouïski avait été applaudie par la populace moscovite « parce qu’il avait été le
ministre de sa vengeance » contre les Polonais :
« Les provinces, et surtout celles du sud, étaient loin de partager ces sentiments. Un
grand nombre de villes refusèrent de croire à la mort de Démétrius, quelques-unes appelèrent
les Polonais pour punir les usurpateurs. Les Cosaques regrettèrent leur héros et coururent aux
armes… De tous côtés on assurait que le tsar Démétrius vivait encore. Des lettres scellées de
son sceau circulaient dans les villes de la Russie méridionale. On le disait en Pologne…prêt à
reparaître à la tête d’une nombreuse armée… La guerre civile commençait. Toutes les hordes
du Don prirent les armes, les uns au nom de Démétrius, les autres arborant l’étendard d’un
second imposteur, le prétendu tsarévitch Pierre, qu’on a vu, sous le dernier règne, troubler
quelque temps la province de Kazan… »
Le faux tsarévitch Pierre se joint aux partisans de Démétrius qui forment une armée,
progressant jusqu’à Toula, où ils sont assiégés par l’armée de Chouïski. Après une résistance
héroïque, ils doivent se rendre et Chouïski fait pendre le faux Pierre Fédorovitch.
Le répit est toutefois de courte durée car apparaît un nouvel imposteur.
« Le nouvel imposteur avait erré quelque temps dans la Sévérie [province au nord de
l’Ukraine], en assez pauvre équipage, accompagné d’un petit nombre d partisans obscurs, la
