KOSTROMA
38
devient sans limites. A la mort d’Ivan IV, le nouveau tsar Fédor, son beau-frère, un homme
doux et pacifique, véritable moine manqué, le nomme grand chancelier. Godounov partage
alors le pouvoir, abandonné par le souverain à ses plus proches collaborateurs, avec Nikita
Romanovitch Zakharine ou Romanov tout court, l’oncle de Fédor (Ivan IV aura
successivement huit femmes, une de plus qu’Henri VIII d’Angleterre au même siècle, la
première, Anastasia Romanovna, pleurée par le tsar à sa mort au point de vouloir renoncer au
trône, lui donnera en treize ans sept enfants). La disparition brutale de Nikita, frappé d’une
hémiplégie dont il ne se relèvera pas, laissera Boris seul homme fort de la Russie.
Un quart de siècle plus tard, le jeune
petit-fils de Nikita
(dont les descendants ont gardé comme nom de famille Romanov), petit-neveu d’Anastasia, la
tsarine bien-aimée du peuple, alors âgé de cinq ans, voit sa vie bouleversée quand son père
Fédor, victime de la suspicion de Boris Godounov, qui craint en lui un possible rival,
contraint d’entrer en religion, devient le moine Philarète, et sa mère Xénia, enfermée dans un
couvent, la nonne Marfa Ivanovna, lui-même et le restant de la famille étant relégués loin de
Moscou. A l’avènement du faux/vrai Dimitri, le moine Philarète sera nommé métropolite de
Rostov et de Iaroslavl, tandis que la nonne Marfa Ivanovna pourra s’installer avec son fils
Michel au monastère Ipatiev de Kostroma. C’est là que douze ans plus tard, quand toute sa
jeunesse a été tournée vers la religion, Michel reçoit la nouvelle de son élection comme tsar
de Russie, une combien glorieuse rentrée dans le siècle, qu’il accepte après quelque
hésitation. Alexis I
er
, fils de Michel, fera reconstruire une fois de plus la
en
Dans le monastère, la maison en bois de
est restée
préservée.
Au moment où l’avènement de la dynastie Romanov va mettre un terme au « temps
des troubles » comme celui des Bourbons finira en France les guerres de religion, et à peu
près à la même époque, j’ai une dernière pensée pour Boris Godounov, natif de Kostroma. Il
me rappelle irrésistiblement un tyran moderne au destin tragique lui aussi. Gérard et moi
avons travaillé en Irak, l’antique Mésopotamie, lui dans l’industrie, moi à l’ambassade, au
temps de Saddam Hussein., alors vice-président au pays des Deux Fleuves, grand ami de
Jacques Chirac, alors premier ministre dans l’Hexagone, tous deux « cavaliers et fringants ».
Gérard était en charge de la réalisation d’un grand projet cher à Saddam, confié à un
groupement d’entreprises françaises, avec la bénédiction, j’allais dire, la complicité de Chirac.
Il lui arriva même à ce titre de recevoir en cadeau du client une montre en argent au boîtier
orné de l’effigie du grand homme du pays client, un objet qui lui fut volé dans des conditions
mystérieuses, mais là n’est pas notre sujet. Comme Boris Godounov, Saddam Hussein fut un
excellent n° 2, dont le peuple apprécia les initiatives ; du jour où il accéda au pouvoir
suprême, rien n’alla plus ; il fit fusiller ses compagnons les plus proches, en qui il voyait de
possibles rivaux, s’en prit à sas voisins considérés comme autant d’ennemis, jusqu’à ce que
les Américains, au nom de la démocratie, comme Dimitri, arguant de sa légitimité,
provoquassent sa fin précoce et brutale. Ainsi commença entre le Tigre et l’Euphrate le
« temps des troubles ». L’Irak, où fut mise en place une fausse/vraie démocratie, comme en
Russie fut intronisé un faux/vrai Dimitri, n’a pas encore trouvé ses Romanov.
Il n’y aura plus de tsar Dimitri, ni de tsar Boris, ni même de tsar Ivan ou de tsar Fédor.
A dynastie neuve, nouveaux noms.
Kostroma doit sa prospérité et sa croissance économique au
aux relations
commerciales établies avec les marchands
et
la Compagnie de Moscovie)
par le port
dans le Grand Nord. On comprend mieux encore, en retrouvant sur
la Volga les fils d’Albion et leurs produite manufacturés, combien Napoléon s’est heurté à des
habitudes séculaires quand il voulut interdire à la Russie le commerce anglais.
