Descendre la Volga - page 35

IAROSLAVL
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indépendance à Iaroslavl ; ayant tenté de séduire la tsarine Anastasia Alexandrovna, qui le
repousse, il sera complice de son empoisonnement ; il finit par trahir ouvertement, passe en
Pologne, d’où il mènera une armée contre la Russie et où il terminera ses jours ; il échangera
avec Ivan des lettres passionnées, où il réclame pour la Russie une monarchie à la polonaise
avec l’autorité du souverain tempérée par le pouvoir des boyards. On sait que ce régime
n’aura pas réussi à la Pologne, qui sera effacée pour plus d’un siècle de la carte de l’Europe,
mais qu’il a fonctionné à merveille en Angleterre, évitant à ce pays les tragiques révolutions
auxquelles aboutiront les monarchies absolues de France et de Russie.
Vingt ans après le drame d’Ouglitch, quand le « temps des troubles » touche à sa fin,
en avril-juin 1612, Iaroslavl sert de point de ralliement aux troupes de
et
qui l’année suivante, soutenus par la Vierge de Kazan, libèrent
des
envahisseurs
Elle reste une ville commerciale importante aux XVII
e
et
XVIII
e
siècles. Une école d’architectes d’importance régionale s’y développe. Elle devient
également la patrie du théâtre : au milieu du XVIII
ème
siècle, son plus célèbre comédien
Feodor Volkov est appelé à Saint-Pétersbourg par la tsarine Elizabeth I
ère
, fille de Pierre le
Grand et de Catherine I
ère
. En 1803, Pavel
petit-fils de Nikita Demidov, le créateur
de la célèbre manufacture d’armes de Toula, voyageur, savant et mécène, ami de Linné, fonde
à Iaroslavl une école des sciences, qui deviendra le lycée Demidov ; il mourut en 1821 et un
monument de bronze à sa mémoire fut érigé par les habitants de Iaroslavl en 1828. Au XIX
ème
siècle, Iaroslavl devient un centre d
Des liaisons ferroviaires sont créées
entre Iaroslavl et
et
entre 1870 et 1893. Une
entre en service en 1900. Après la
Iaroslavl
devient un pôle pour l’industrie lourde dont le pouvoir soviétique entend doter le pays. Une
université est ouverte dans la ville en 1918 puis en 1970, qui a pris le nom d’Université d’Etat
P.G. Demidov, et rattache volontiers sa fondation à 1803, l’année d’apparition de la première
institution d’enseignement fondée localement par son parrain.
Iaroslavl est la patrie de Valentina Terechkova, la première femme cosmonaute, qui y
est née en 1937 et y vit aujourd’hui, ayant tourné autour de la terre quarante-huit fois en trois
jours du 16 au 19 juin 1963. Elle avait commencé sa vie professionnelle comme ouvrière du
textile, puis, quand Serge Korolev, le père du programme spatial soviétique, avait eu l’idée
d’envoyer une femme dans l’espace, s’était portée candidate et avait été sélectionnée parmi
plus de quatre cents concurrentes. Revenue sur terre, elle avait épousé son camarade
cosmonaute André Nikolaïev mort en 2004.
Pour débarquer à Iaroslavl, nous devons traverser cette fois l’ « Igor Stravinsky ». Cela
semble une habitude des autorités portuaires des villes de la Volga de prévoir pour les navires
de tourisme un seul poste d’amarrage, sur lequel ils viennent s’agglutiner l’un contre l’autre.
Durant notre excursion à terre, le « Stravinsky » voudra partir, obligeant notre « Russ » à
s’écarter lui aussi pour le laisser manœuvrer, ce qui ne sera pas sans causer quelque émotion à
Béchou, restée à bord pour cause d’indisposition ce matin et se voyant déjà continuer seule le
voyage.
Iaroslavl séduit d’emblée. C’est une ville spacieuse, aux larges avenues ombragées,
aux vastes perspectives, aux grands bâtiments tous beaux comme des palais, aux multiples
églises rayonnantes. Astolphe de Custine, toujours critique, la trouvait vaste et vide, et
précisait : « Si elle est vaste, c’est moins par le nombre des habitants et des maisons qu’à
cause de l’énorme largeur des rues, de l’étendue des places et de l’éparpillement des édifices
qui sont en général séparés les uns des autres par de grands espaces où se perd la
population… » Il admire toutefois « les clochers peints et dorés, presque aussi nombreux que
les maisons… ». Laissons-le partir chez le gouverneur, pour qui il a une lettre d’introduction,
et où nous irons aussi tout à l’heure.
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