Descendre la Volga - page 55

NIJNI NOVGOROD
53
l’autre côté la forêt cède la place subitement à une succession d’immeubles d’une quinzaine
d’étages accolés l’un à l’autre, d’autres les prolongeant en profondeur. C’est maintenant une
zone industrielle : une église à petits bulbes dorés côtoie une grue aussi grande qu’elle. Déjà
nous sommes par le travers de l’Oka et nous dirigeons vers la « sérieuse montagne » annoncée
par Gautier, qui porte le kremlin local, dominant le confluent du grand fleuve avec son
important affluent, tandis que sur l’escarpement en pentes rapides on distingue les zigzags
abrupts de murs descendant jusqu’au quai devant nous. Nous remontons un peu l’Oka, passant
sous le pont moins imposant que le précédent qui relie le centre-ville au faubourg de la foire,
et abordons, tandis qu’un bateau à aubes, semblable peut-être au
Provornii
de Gautier, servant
aux croisières et banquets, nous croise en gagnant le large. Il promène sans doute sur la Volga
les Moscovites venus à Nijni Novgorod par le chemin de fer passer la fin de semaine, comme
on dit au Québec, et qu’on ramènera à la gare ce soir.
En début d’après-midi nous débarquons pour visiter la ville avec Katia.
L’église de la Nativité à Nijni Novgorod
Nous partons à pied, remontant une large rue bordée de belles maisons du XIX
ème
siècle. Au-dessus de nous la muraille du kremlin enserre le haut de la colline. Notre
destination, distante du fleuve de quelques centaines de mètres, est l’église de la Nativité –
attention ! de la Nativité de la Mère de Dieu – nous sommes chez les orthodoxes qui ont une
dévotion toute spéciale pour Marie, reconnaissant depuis toujours l’Immaculée Conception,
au point que les musulmans se moquaient d’eux qui avaient pour Dieu une femme ! –
construite dans le style baroque qu’il affectionnait pour et aux frais de Grigori Dmitrievitch
Stroganov, un contemporain de Pierre le Grand, qui fut en son temps après le tsar le
propriétaire le plus riche de Russie, ayant fait fortune en particulier grâce à ses entreprises de
marais salants, ayant créé des forges et usines dans l’Oural, ayant accumulé des terres de part
et d’autre de la Volga, capable d’offrir deux navires de guerre à la marine impériale de Russie
alors naissante et à Dieu plusieurs églises richement ornées, au point de créer le style
Stroganov. C’est pour défendre l’empire des Stroganov sur la rive gauche de la Volga contre
les incursions tatares venues d’Asie centrale que furent appelés à la rescousse les Cosaques
d’Ermak ; ainsi commença la conquête de la Sibérie. Ce sont aussi « les richissimes
Stroganov » qui, selon l’historien Serge de Witt, spécialiste du « Temps des Troubles »,
auraient financé la campagne du vrai/faux Dimitri contre Bpris Godounov.
1...,45,46,47,48,49,50,51,52,53,54 56,57,58,59,60,61,62,63,64,65,...152
Powered by FlippingBook