Descendre la Volga - page 58

NIJNI NOVGOROD
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Nous cependant, qui ne terminons pas ici notre périple, nous qu’attendent d’autres
émotions et d’autres sensations, continuons notre visite. L’après-midi avance et le soleil est
déjà bas. Le bus nous amène à une belle place interrompant une large rue piétonne de part et
d’autre, où règne une forte animation, en particulier déambulent gaiement des groupes de
jeunes profitant du dimanche. Nous passons devant le théâtre Pavéli : est-ce celui où se jouera
la Dame de Pique ? Nous sommes à la recherche de vodka (on nous a conseillé la Standart, la
Belouga et la Tsartsva) et de blinis pour les caviars achetés à Khimki. Des renseignements
d’habitants nous mènent à des « Gastronom » (magasins d’alimentation) ouverts, où nous
faisons emplette. C’est déjà le crépuscule et nous rejoignons notre bateau éclairé tandis que le
ciel du couchant découpe derrière l’Oka les formes élancées de l’église des marchands.
Custine, à qui nous laissons le dernier mot tandis que nous montons à bord, a décrit le
charme des soirs sur l’Oka :
« Vers le soir, l’aspect de la plaine devient imposant. L’horizon se voile légèrement
sous la brume, qui plus tard retombe en rosée, et sous la poussière du sol de Nijni, espèce de
petit sable brun, qui voile le ciel d’une teinte rougeâtre : ces accidents de lumière ajoutent à
l’effet du site dont la grandeur est imposante. Du sein des ombres sortent des lueurs
fantastiques, une multitude de lampes s’allument dans les bivouacs dont la foire est
environnée ; tout parle, tout murmure ; la forêt lointaine prend une voix, et du milieu même
des fleuves habités, les bruits de la vie viennent encore frapper l’oreille attentive… »
Crépuscule sur l’Oka
Notre cher Astolphe avait prévu comme nous de partir pour Kazan ; il venait même
« d’arrêter un bateau pour descendre le Volga ». Malheureusement le mauvais temps le
surprend sans manteau. « J’avais froid comme en hiver. » Le lendemain une forte fièvre le
cloue au lit. Le médecin lui recommande de quitter Nijni au plus tôt, afin d’échapper à
« l’influence de cet air [l’air de Nijni] sur certains tempéraments ». Il monte donc en voiture
« par une pluie battante et un vent glacial », quittant le fleuve en direction de Vladimir. Le
lendemain, après s’être arrêté pour la nuit dans un mauvais gîte, il est guéri. A-t-il des regrets
de n’avoir pu poursuivre sa route vers l’est ? « Mon zèle s’était un peu ralenti depuis que le
gouverneur de Nijni m’avait orgueilleusement montré des dessins de Kazan. C’est toujours la
même ville d’un bout de la Russie à l’autre [son thème favori] : la caserne, les cathédrales en
matière de temples, rien n’y manquait ; je sentais que tout ce rabâchage d’architecture ne
valait guère la peine d’allonger mon voyage de deux cents lieues [800 km]. Mais la frontière
de Sibérie et les souvenirs du siège sous Ivan IV me tentaient encore. »
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