Descendre la Volga - page 63

TCHÉBOKSARY
61
Nous étions jusqu’à présent en Russie proprement dite, voici notre première
république fédérée, l’un des 89 « sujets de la Fédération » (comme la France a eu longtemps
89 départements, un nombre symbolique). C’est une escale inédite, non programmée sur la
plupart des guides. Les Tchouvaches n’en sont que plus heureux de nous accueillir. Ils ont
formé à cet effet un groupe en costume local, avec bonnet et tablier, qui nous attend sur le
quai près de la gare maritime. Devant les figurants alignés la matrone étend largement les bras
pour nous souhaiter la bienvenue. Au son de l’accordéon, le pain et le sel nous sont présentés.
Une jeune fille danse, un cœur dans chaque main (le cœur dans la main, quel symbole !), puis
elles sont quatre à nous montrer les quatre cœurs réunis, puis deux files sont formées, les bras
levés se rejoignent tenant haut le cœur, les nouveaux venus sont invités à passer sous cet arc
d’honneur improvisé. Quelques marches à gravir et c’est, au-delà de la tranquille nappe d’eau
du « zaliv », la Mère des Tchouvaches elle-même qui ouvre les bras aux arrivants. Nous
commençons la visite prévue, avec notre guide locale, Tatiana, qui nous apprend d’emblée un
mot de tchouvache : tav-da-bouche = merci.
Notre premier arrêt est pour le monastère de la Sainte Trinité : le père Basile nous y
reçoit dans un français parfait ; rien d’étonnant, c’est un curé vendéen passé à l’orthodoxie,
émigré il y a vingt ans en Russie, où les âmes, figées durant la période soviétique, se
réveillent lentement, une évolution qu’il tente d’accélérer en évangélisant les Tchouvaches de
toutes les générations avec l’aide de ses quarante moines. Bon succès au père Basile : son
enthousiasme le mérite. Lui-même se réjouit d’avoir quitté notre vieux pays sceptique et blasé
en voie de déchristianisation accélérée pour cette terre de foi renaissante et vivante. Qui sait :
peut-être un jour reviendra-t-il mettre son militantisme passionné au service de la reconquête
des âmes sur les bords de la Loire après ceux de la Volga ? On en voudrait beaucoup comme
lui pourla gloire de Dieu et le salut du monde.
Quittant le père Basile, nous approchons de la Mère aux bras ouverts. Il faut monter
110 marches pour arriver aux pieds de la Mère tchouvache. Sur le socle on lit : Mes enfants,
soyez bénis vivant dans la paix et l’amour.
Mes enfants, soyez bénis, vivant dans la paix et l’amour
Notre étape suivante est la cathédrale de l’Annonciation, qui fut construite en 1561,
soit moins de dix ans après la conquête du pays par Ivan le Terrible. Nos dames s’habillent
comme il convient. A l’intérieur fidèles et touristes se croisent tandis que Tatiana nous décrit
les sept rangées de l’iconostase et que saints et patriarches là-haut gardent leur impassibilité.
En route à nouveau à travers la ville, les rangées d’izbas aux fenêtres richement sculptées
alternant avec les alignements d’immeubles-tours. Et voici l’incontournable exposition des
1...,53,54,55,56,57,58,59,60,61,62 64,65,66,67,68,69,70,71,72,73,...152
Powered by FlippingBook