NIJNI NOVGOROD
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l’Oural, est la ville la plus orientale de la Russie d’Europe] où il est embarqué sur la Kama qui
le fait descendre jusqu’au Volga, d’où il remonte en bateau vers Nijni…» Un trajet à faire
rêver les Marco Polo du XXI
ème
siècle !
A l’autre bout de la foire, Custine trouve des articles qui lui inspirent des doutes.
Ecoutons-le encore une fois : « Dans un faubourg séparé par un bras de l’Oka, se trouve un
village persan dont les boutiques sont uniquement remplies de marchandises venant de Perse :
parmi les plus remarquables de ces objets lointains j’ai surtout admiré des tapis qui m’ont
paru magnifiques ; des pièces de soie écrue et des termolama, [
définition trouvée sur internet :
TARMOLAMA ou TERMOLAMA tissue de soie dense bariolé persan ou turc, entrant
principalement dans les robes de chambre ou surtouts
].
espèce de cachemire de soie qui ne se
fabrique, dit-on, qu’en Perse. Je ne serais pas surpris cependant si les Russes en faisaient chez
eux pour vendre cette étoffe comme un produit étranger. Ceci est une pure supposition et je ne
pourrais la justifier par aucun fait. » Pourquoi la faire alors, mon cher Astolphe ! Ne
décourages pas nos compagnes de nous offrir, si l’occasion s’en présente, une robe de
chambre en ce termolama qui, si elle tient sans doute chaud (termo) n’a, semble-t-il, rien à
voir avec les lamas !
Il y a aussi la ville des fourrures, dont notre voyageur ne songe pas à contester
l’authenticité : « On y voit des peaux de toutes sortes de bêtes, depuis la zibeline, le renard et
certaines fourrures d’ours qu’il faut payer douze mille francs [des francs Germinal !] pour
s’en faire une pelisse, jusqu’aux renards communs et aux loups qui ne coûtent rien ; les
gardiens de ces trésors se font pour la nuit des tentes de leurs marchandises, sauvages abris
dont l’aspect est pittoresque… »
N’ayez pas de regret, nous dit Katia, qui nous surprend contemplant avec insistance
l’autre rive de l’Oka, il n’y a plus rien à voir ! Certes, mais fouler ce sol où des décennies
durant se rencontrèrent les marchands venus d’Europe et d’Asie, ce site d’avant-garde de la
mondialisation, c’eût été une sensation forte au lieu d’avoir à nous contenter d’un regard
lointain.
Continuant notre marche, nous saluons au passage le saint grand prince Georges (dit
Iouri) Vsevolodovitch, fondateur de la ville. Le pionnier de l’aviation soviétique Valery
Tchkalov (1904-1838), natif de la région, qui relia Moscou à Vancouver en passant au-dessus
du pôle Nord (un vol homologué de soixante-cinq heures et vingt-cinq minutes), a également
sa statue, avec tracé de la ligne qu’il suivit, dans le kremlin. Parvenus en bout de parcours
nous admirons l’escalier monumental en zigzag qui permet aux piétons d’accéder directement
des quartiers du fleuve à la forteresse. Custine serait heureux de voir que les architectes ont su
tirer parti des précipices !
Gautier, qui a commencé par visiter la foire, consacre la dernière journée de son séjour
à la partie haute de la ville. La vue qu’il a depuis là-haut le fascine. Nous qui, arrivés trop
tard, sinon dans l’année, pire encore, dans les années, avions manqué le carrefour
bourdonnant de l’Europe et de l’Asie, regardions avec nostalgie l’Oka et l’espace vide au-
delà ; lui, repu du spectacle des hommes barguignant, contemple la Volga.
« D’un belvédère placé à l’angle externe du Kremlin et dominant un beau jardin public
étalé sur le revers de la colline avec ses frais massifs de verdure et ses sinueuses allées de
sable jaune, on découvre une vue prodigieuse, un panorama sans limite. A travers des plaines
faiblement ondulées, et qui prennent dans le lointain des tons lilas, gris de perle, bleu d’acier,
le Volga se déroule en larges replis, tantôt sombre, tantôt clair, selon qu’il réfléchit l’azur du
ciel ou l’ombre d’un nuage…. »
Qu’il est beau d’avoir une âme d’artiste ! Notre voyageur s’est du même coup
débarrassé de son obsession : « Nous reprîmes le chemin de Moscou… Le démon du voyage
ne murmurait plus à notre oreille : ‘Nijni Novgorod’ »
