Descendre la Volga - page 28

OUGLITCH
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forteresse servit plus tard de prison aux princes moscovites déchus. Elle fut détruite par les
Suédois au XVII
ème
siècle.
Ouglitch fait partie de
un réseau constitué par plusieurs anciennes villes
princières, situées autour de la capitale russe, qui possèdent de superbes ensembles
architecturaux bien entendu surtout religieux: ce sont ici la
(na krovi), le
le
(Predtetché), l
(Voskrecenié) et d’autres.
Voilà beaucoup d’églises ! Alexandre Dumas, qui en vit sans doute plus encore que
nous, écrit : « Toutes les églises russes sont bâties sur le même modèle : ce sont toujours cinq
coupoles, quatre petites et une grande ; elles sont plus petites ou plus grandes, mieux dorées
ou plus mal dorées ; c’est toute la différence. » Laissons-lui la responsabilité de cette
affirmation simplificatrice !
Ouglitch a été le théâtre d’un des drames de l’histoire de la Russie. Le
le
tsarévitch
dernier fils
à qui son père avait donné la
principauté d’Ouglitch en apanage et où il avait été exilé ainsi que sa mère Maria Nagaia au
décès de son père quand il avait deux ans et que son frère Fédor montait sur le trône, y fut
assassiné encore enfant, à l'instigation, selon la version retenue par Pouchkine quand il écrivit
sa pièce consacrée au personnage, de l’ambitieux
un des derniers favoris
d’Ivan le Terrible, beau-frère et conseiller intime de Fédor. La commission d’enquête envoyée
sur place attribua sa mort à une crise d'épilepsie, au cours de laquelle il se serait fait une
blessure fatale. Quoi qu’il en fût, le patriarcat orthodoxe mit l’innocent jeune prince monté au
ciel prématurément au rang des saints et
lui fut
dédiée après sa canonisation. Ce qui n’empêcha pas que les circonstances troubles de la fin
précoce du dernier fils du conquérant de la Volga fissent surgir dans les années qui suivirent
des « faux Dimitri », considérés par l’histoire officielle comme des imposteurs.
Or le « dossier Dimitri » n’est pas clos. Selon certains chercheurs, le tsarévitch Dimitri
aurait échappé à la mort, un autre enfant ayant succombé sous les coups des assassins, et
aurait régné légitimement sur la Russie après la mort de l’usurpateur Godounov, victime à son
tour d’un complot de boyards menés par Chouïski. Telle est la conviction intime à laquelle est
parvenu un émigré russe en France, le comte Serge de Witt, qui a fait connaître ses
conclusions dans un livre publié à Paris en 1986. J’aurai l’occasion plus tard dans ce récit de
reparler du comte de Witt et de ses travaux. Il y a donc pour l’éternité un « mystère Dimitri »,
qui à nous Français rappelle étrangement le cas de Louis XVII, qui ne serait pas mort au
Temple le 8 juin 1795, avec l’apparition au siècle suivant de « faux dauphins ». C’est
l’occasion aussi d’évoquer le petit Jean I
er
, bébé de quelques semaines, fils posthume de Louis
X le Hutin, victime comme son père des « poisons de la couronne », dont la disparition, à
l’instar de celle de Dimitri en Russie, donnera aux Valois la chance de supplanter les
Capétiens et provoquera la guerre de Cent Ans, des événements magistralement racontés par
Maurice Druon et ensuite mis en scène par Claude Barma dans
Les Rois maudits
.
J’apprendrai plus tard, toujours grâce au comte de Witt (ou plutôt à son livre), qu’à la
mort d’Ivan IV le tuteur du jeune Dimitri désigné par le défunt tsar, un certain Bogdane
Bielski, avait tenté un coup d’Etat pour faire de son pupille le successeur de son père à la
place du pieux Fédor peu intéressé par le trône. Une émeute populaire l’avait empêché de
mener à bien son projet, provoquant la relégation sur les bords de la Volga de l’enfant et de sa
famille maternelle, et sonnant l’heure de la revanche pour les boyards, tenus en laisse par le
Terrible et qui auraient retrouvé leur pouvoir avec le faible Fédor, si Godounov, mis en charge
des affaires par son beau-frère de tsar, n’avait pas été là, poursuivant la politique
d’affermissement de l’autorité impériale du terrible Ivan.
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