Descendre la Volga - page 19

MOSCOU ET LE CANAL MOSCOU-VOLGA
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Le trajet entre la station de métro et le bateau nous avait semblé simple et pourtant au
retour nous nous perdrons le soir, étant sortis par la mauvaise bouche (cette station, comme le
dieu Janus aux deux visages, en a une à chaque extrémité, or nous étions en tête de train au
retour comme à l’aller et sommes donc arrivés à la bouche opposée), avant de retrouver la
bonne bouche et le bon chemin, la nuit tombée entre temps ne facilitant pas la reconnaissance
des lieux. Nous être égarés a le mérite de nous faire découvrir des immeubles résidentiels
noyés au milieu des bois. L’espace autour de la station est manifestement très habité, à en
juger par le flot de passagers descendus avec nous et qui nous a entraînés.
Plantureux dîner à bord et ce n’est que le commencement. Quand nous naviguerons,
nous aurons même le choix du menu. Les trois couples d’amis que nous sommes, férus de
voyages et de Russie, se retrouveront tous les six trois fois par jour à la table de salle à
manger. Circonstance sympathique : le vin est inclus dans le forfait, un vin local rouge ou
blanc au choix changeant souvent mais toujours bien choisi (cet avantage nous avait été
accordé en contrepartie de la menace de transbordement, la menace a disparu mais il a été
maintenu). Ce soir Gérard et Béchou, ayant opté pour le programme prolongé en ville avec
spectacle, ne nous rejoindront que plus tard.
Le lendemain 10 septembre le départ n’est prévu que dans l’après-midi. Nous en
profitons pour visiter en détail le centre commercial. Je change quelques billets à 1 € = 76 rbl.
et pratique mon russe avec la caissière qui n’a guère de clients. J’ai déjà eu affaire à elle hier
matin, nous sommes de vieux amis. J’apprécie ces intimités fonctionnelles et fugitives : en un
lieu exotique elles prennent une intensité particulière. Si les apporteurs de devises sont rares,
la foule est nombreuse. En cœur de matinée l’endroit est fortement achalandé. Nous nous
intéressons aux ogourtsi (concombres marinés) et au caviar (ikra), non pas d’esturgeon hors
de prix mais de saumon ou de brochet (ce ne sont jamais que des œufs de poisson !) Retour à
bord pour déjeuner. Quand nous prenons place, dans la corbeille à pain cohabitent à la russe
pain blanc et pain de seigle bien noir. Après la salade servie en hors-d’œuvre, le second plat
est toujours la soupe, que j’apprécie, comme les beignets et croquettes au fromage du petit
déjeuner (syrniki) qui me rappellent ceux que je prenais à l’hôtel Ukraine (un autre des gratte-
ciel moscovites, se dressant en face de mon bureau) dans des temps très anciens. Le repas est
accompagné d’un verre de vin, rouge ou blanc au choix, compris dans le forfait (le second est
à la charge du buveur, s’il a grande soif, ce qui m’arrivera une fois ou deux). Le kvas, cette
espèce de bière locale faite de croûtes de pain noir selon les uns, avec de la farine d’orge et du
levain selon les autres, toutes les substances passées à la fermentation vineuse, ce kvas, que
beaucoup de Russes préfèrent à la bière mais que je me souviens d’avoir goûté au cours de
mon premier lointain séjour sans avoir envie de renouveler l’expérience, ne nous est pas
proposé.
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