Descendre la Volga - page 16

MOSCOU ET LE CANAL MOSCOU-VOLGA
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fronton de temple grec, au sortir d’un long passage souterrain bordé de boutiques. Le père
Slava Gorokhoff, curé de la paroisse, dont Sophie Hasquenoph m’avait fourni les
coordonnées mais qui m’avait fait savoir par courriel qu’il serait très occupé, n’est pas là. Son
assistante, une sœur grise, le joint au téléphone, elle me donne de sa part un RV téléphonique
à 7 H ce soir, mais il n’y sera pas.
L’église Saint-Louis des Français de Moscou
Mais c’est à un autre curé de Saint-Louis des Français de Moscou que je tenais avant
tout à rendre hommage sur les lieux où il exerça. L’abbé Surrugne était en charge de cette
paroisse d’un genre particulier quand Napoléon occupa la vieille capitale des tsars en 1812.
Après l’incendie, l’Empereur avait été frappé de voir que le quartier français de Moscou, est
resté en grande partie intact, grâce à l’énergie de ses habitants, mobilisés par le curé
Surrugne, qui a fait preuve en la circonstance d’une formidable énergie, réussissant à protéger
les lieux contre incendiaires et pillards, avec l’aide d’un détachement de la garde mis à leur
disposition. L’église Saint-Louis des Français, épargnée par le feu, sert alors d’asile « à
beaucoup d’hommes et de choses », selon une lettre du 22 novembre 1812 de Joseph de
Maistre venu en visite de Pétersbourg à Moscou. Napoléon, ayant appris le rôle héroïque de
l’abbé Surrugne, veut le rencontrer, mais le religieux, qui n’y tient pas, parvient à éviter
l’entrevue. Il célèbre la messe dans son église le dimanche suivant 20 septembre 1812. On ne
sache pas que Napoléon y ait assisté ni ce jour-là ni aucun des dimanches suivants. A la
différence des Russes faisant défiler la Vierge de Kazan avant la bataille de la Moskova, on
doute que beaucoup d’officiers, sous-officiers et soldats de la Grande Armée soient venus aux
offices à Saint-Louis des Français. Le vaillant abbé recevra par la suite un émissaire de
l’empereur chargé de l’engager à rentrer en France, mais s’y refusera, ne voulant pas quitter
son troupeau, à qui il peut encore être utile. Quand les Cosaques rentrent dans Moscou, le curé
et ses paroissiens parviennent à se retrancher dans Saint-Louis des Français et à échapper aux
représailles. L’abbé Surrugne, épuisé par les épreuves subies, meurt deux mois plus tard le 21
décembre 1812, quand Napoléon a regagné Paris et que les restes de ce qui fut la Grande
Armée atteignent Kœnigsberg.
Quittant le sanctuaire, j’avise sur le parvis un tableau d’affichage sous verre. Y est
annoncée pour un soir de la semaine prochaine, quand nous naviguerons, une conférence-
débat sur les relations économiques entre la France et la Russie. Manifestement Saint-Louis
sert aussi de point de rassemblement pour la communauté française de Moscou. J’imagine
qu’à cette conférence les sanctions à l’encontre du pays où nous sommes à cause de sa
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